Un oasis au milieu dans l’Afrique Australe : la Zambie
Avez-vous déjà essayé d’imaginer la Zambie ? Rares seront les personnes qui répondront oui. Il est malheureux de constater que les seuls pays d’Afrique dont nous entendons parler en Europe sont les zones en guerre, en crise ou à problèmes. Aucune information ne nous permet d’imaginer les autres pays de ce continent. C’est dans cet état d’esprit que nous avons passé la frontière vers la Zambie : sans trop d’informations sur l’économie, imaginant une région immense, vide, et pauvre. Nous avions raison sur certains points mais « pauvre » ? Pas le moins du monde : un oasis au milieu de l’Afrique Australe.
Dès la première ville frontalière, nous avons compris notre erreur de jugement. Nous étions dans une petite ville à l’américaine : des rues larges, de grands trottoirs, des fast-foods, des supermarchés. De même pour la capitale Lusaka : des buildings immenses, des rues fleuries, des centres commerciaux sur plusieurs étages, des voitures de luxe. Nous commencions à nous demander si nous nous étions pas trompés de pays pour notre étude…
Nous nous sommes alors rapidement dirigés vers une petite ville au nom de Livingstone, à la frontière avec le Zimbabwe afin d’y rencontrer des entrepreneurs. Une petite ville encore une fois à l’américaine. Ce n’est qu’après quelques jours de prospection que nous avons eu la chance d’être introduits par des locaux dans le ghetto de Livingstone, un endroit nommé Malota : un retour à la réalité. Nous avons alors pris conscience que certes la minorité issue des centre-villes profite d’un certain développement, mais la majorité des suburbes fait face aux mêmes problèmes que certaines banlieues en France ou certains pays en Afrique : ils sont isolés, éloignés, marginalisés de tout bénéfice économique.
Un rêve de gamin : la musique
Grâce à un rendez-vous organisé au pied levé, nous rencontrons Martin Kambula au croisement d’un carrefour. Ce jeune homme de 30 ans se trouve être le directeur d’un jeune studio de musique, une entreprise assez surprenante pour un endroit comme Malota ! Martin nous fait alors visiter son studio : une petite pièce aménagée au sein de sa propre maison, entre sa cuisine, son salon et sa chambre à coucher. C’est dans cette petite pièce, entre les ordinateurs et les micros que nous parlerons de son histoire et de son business.
Martin n’a jamais quitté Livingstone et partage depuis son plus jeune âge la passion du chant et de la musique avec ses frères. Son parcours scolaire est des plus classique, après le lycée il commence à se débrouiller par lui-même afin de gagner sa vie, mais avec toujours une même idée, un même rêve en tête : la musique. Dès la fin de sa scolarité, Martin commence à mettre de l’argent de côté grâce à la location au jour le jour du tracteur de son oncle, vivant au Botswana, dont il a la responsabilité à Livingstone. Il devient ensuite « pizza boy » dans un Debonairs Pizza (imaginez un McDonald’s en France), puis obtient finalement un emploi dans le duty free de l’aéroport de Linvingstone. Martin épargne tant bien que mal, malgré le fait que ses jobs ne lui rapportent que bien peu d’argent.
Puis, en juillet 2012, Martin décide de se lancer. Cet amoureux de la musique n’a jamais quitté son quartier d’enfance et connaît ainsi la plupart de ses habitants : des plus jeunes aux plus agés. Il remarque depuis longtemps chez les jeunes de la rue beaucoup de talents musicaux gâchés par l’alcool et la drogue. En effet, qui à Malota aurait laissé la chance à ces jeunes de s’exprimer dans un studio ? Martin décide alors de créer un studio pour ces jeunes, plus exactement le Deep South Studio : un studio simple et accessible, au plein centre de Malota où les jeunes pourraient venir enregistrer leurs musiques pour quelques Kwtachas (monnaie locale).
L’industrie de la musique : une entreprise onéreuse
Mais malgré ses quelques Kwatchas épargnés grâce à ses précédents jobs, monter un studio de musique aussi petit soit-il demande beaucoup de matériels sophistiqués : ordinateurs, micros, tables de mixage etc. Martin fait alors appel à certains de ses connaissances afin de l’aider financièrement et logistiquement, mais ce sera la rencontre avec une « Lady » de Livingstone qui sera décisive. Cette « Lady », Directrice Commerciale d’une entreprise internationale sera prise de sympathie pour Martin et son projet. Ce sera elle qui lui prêtera ainsi l’argent nécessaire à sa réalisation : une marraine tombée du ciel.
Martin doit cependant ensuite faire face à deux autres défis de taille : trouver ses premiers clients ainsi qu’un « producteur » afin de produire les sons nécessaires aux enregistrements. C’est son réseau personnel, ses amis et ses frères, qui prospecta sans trop de difficultés ses premiers clients en sein de leurs entourages. Le problème du producteur fut cependant plus complexe. Rappelons que le studio de Martin se trouve dans sa propre maison, là on vit sa femme et son fils : son bras droit devait dès lors être quelqu’un de confiance, autonome et efficace de surcroît.
Son premier producteur fut à ce titre un échec ! L’alcoolisme (ou plutôt l’amour de la boisson) est un problème récurrent en Afrique et il suffisait à cette époque d’offrir une bière au producteur, en l’absence de Martin, afin d’enregistrer une musique. Le Deep South Studio n’était pas près de prospérer… C’est alors le destin qui joua en faveur de Martin : Kenneth, un jeune garçon de 20 ans vint un jour se présenter à lui. Kenneth avait travaillé un temps dans les grands studios de la ville comme assistant et il connaissait ainsi les rudiments de la production. Au bout d’une semaine, il devint producteur officiel et ce fut alors réellement le début de l’aventure « Deep South Studio ».
« We are limping »
Cela fait maintenant neuf mois que le studio est lancé, et le succès arrive peu à peu. Le Deep South Studio n’est évidemment pas le seul studio de musique dans La région de Livingstone et la concurrence est rude. Rude et en même temps presque aimable : « dans ce business, nous avons besoin de nous entraider afin de connaître les dernières nouveautés en matière de sons ». Il n’est alors pas rare de voir ces studios s’échanger des clients, des logiciels ou leurs dernières découvertes. Martin se fait petit à petit un nom, dénichant de plus en plus de talents dans Malota et ses environs, chez les plus jeunes mais aussi les plus âgés.
Martin et son jeune producteur se fixent comme prochain objectif de délocaliser leur studio en ville et ainsi, quitter la maison familiale de Martin. Avoir un studio d’enregistrement juxtaposé à la chambre à coucher n’est pas un idéal, nous confiera ce dernier. Le Deep South Studio n’est donc pas encore un établissement stable et pérenne, il est encore dans sa période où tout est possible : le meilleur comme le pire. Mais comme nous le rappellerons les deux managers à la fin de l’interview, ils sont prêts à tout donner pour poursuivre cette entreprise.
Son plus gros challenge : faire face aux remarques, critiques et incertitudes de sa famille (en dehors de son père et ses frères) concernant son idée de studio de musique à Livingstone
Ses conseils pour de futurs entrepreneurs :
– « To push hard » : être persévérant et ne pas limiter ses efforts
– « If you want to do something, do it » : si vous avez une idée en tête, essayez !
– « Family first » : ne pas négliger sa famille présente et future, elle doit être un objectif dans votre projet d’entreprise